L’échelle, vraiment ?
Le problème et l'IA solution ?
Réflexion sur l’échelle, le problème et l’IA solution
Passer à l’échelle ou grandir ?
Depuis quinze ans et jusqu’en 2024, la promesse du « passage à l’échelle » occupait les conférences agiles. Les programmes de transformation se sont multipliés à grand coup de frameworks at scale, plus ou moins controversés. Tous semblaient d’accord sur un point: commencer par construire de premières équipes agiles avant de les coordonner pour la réalisation de produits ou programmes plus grands. Pourtant, répéter les mêmes pratiques en plus grand ne fait ni grandir les personnes, ni assainir les organisations. Escalader dans la hiérarchie ne change pas la topographie : on reproduit les mêmes silos avec plus de meetings et moins d’autonomie.
Le vocabulaire lui-même trahit l’illusion. Échelle, escalade, scaler : tout renvoie à une verticalité qui concentre le pouvoir. Or les défis actuels (IA, climat, sobriété numérique) exigent des organisations capables de se distribuer et de s’adapter localement.
L’IA ne résoudra pas ces tensions par magie. Oui, elle peut coordonner des données ou automatiser des flux. Mais si l’on mise tout sur la performance (vitesse de décision, productivité, réduction des coûts) sans renforcer la robustesse humaine, on fragilise l’organisation :
- Dépendance technologique : quand l’IA tombe ou dérive, qui comprend encore le système ?
- Parties prenantes invisibilisées : tous les métiers ne sont pas « artificiels » ; clients, partenaires, territoires demandent de la présence humaine.
- Décisions opaques : l’algorithme peut proposer, mais c’est aux personnes d’assumer les impacts sociaux, environnementaux, éthiques.
D’autres trajectoires existent
Un des principaux problèmes des organisations petites ou grandes est celui de la répartition du pouvoir, de la prise de décision. Analysons comment d’autres modes de prise de décision peuvent structurer l’organisation et comment l’IA peut venir aider ou contrarier ces processus.
Architectures en réseau
- Inspirées des communautés open source ou des fédérations coopératives.
- Chaque nœud possède une identité propre et contribue à un ensemble plus large.
- Les flux d’information circulent latéralement, pas seulement du sommet vers la base.
- Chaque équipe détient son savoir, augmenté ou non par l’IA, mais reste responsable de ses engagements vis-à-vis des parties prenantes vivantes.
Sollicitation d’avis
- Une personne propose une décision et sollicite activement l’avis de ceux qui seront impactés ou détiennent une expertise.
- La responsabilité finale reste claire, mais les angles morts sont explorés collectivement.
- Cette pratique renforce l’autonomie sans nier la complexité juridique ou technique.
- L’IA peut assister à l’analyse, mais elle ne remplace pas les parties prenantes concernées.
Démocratie liquide
- Décrite en détail dans l’article Liquid Democracy – déléguer sa voix sans renoncer à décider.
- Chaque membre vote directement ou délègue temporairement sa voix à un pair plus compétent sur le sujet.
- Les délégations sont révocables, traçables et peuvent être limitées par domaine.
- On ne délègue pas à une IA, mais à des personnes capables de porter la responsabilité.
Décision par consentement / sollicitation d’objections
- Issue de la sociocratie : une proposition est adoptée si aucune objection raisonnable n’est formulée.
- Plutôt que de chercher un consensus parfait, on s’appuie sur les objections pour améliorer la proposition et identifier les points de vigilance.
- Les objections peuvent intégrer des critères d’IA responsable (transparence, impacts environnementaux, inclusion).
Ce que révèle la crise de l’échelle
- Besoin de reconnaissance : les individus veulent voir leur contexte, pas appliquer un template.
- Quête de sens partagé : sans cap visible, multiplier les équipes ne fait qu’ajouter du bruit.
- Puissance des liens : les organisations apprenantes se construisent sur des liaisons distribuées, pas uniquement sur des organigrammes.
- Sobriété décisionnelle : l’IA peut accélérer, mais la robustesse vient de la capacité à ralentir quand il le faut, à écouter les parties prenantes humaines, à accepter l’incertitude.
Et Agile Boarding dans tout ça ?
Mon travail de « cartographe de trajectoires nouvelles pour des organisations plus agiles » consiste justement à :
- Aligner les trajectoires vers des objectifs partagés porteurs de sens.
- Géographier les systèmes pour rendre visibles les structures, les flux et dépendances.
- Idéer, faire émerger les Idées, travailler les points de bascule, les tensions.
- Lier les dynamiques entre acteurs, échanges de dons et contredons.
- Évaluer les impacts pour décider en conscience.
En combinant plusieurs cartographies (parties prenantes, wardley, topologies, impacts) et de nouveaux rites décisionnels (sollicitation d’avis, démocratie liquide), on construit des organisations qui n’ont plus besoin de « courte-échelle » pour respirer, grandir et devenir plus robuste. (plutôt que d’échafauder une croissance fragile)
Pour aller plus loin
- Liquid Democracy – déléguer sa voix sans renoncer à décider
- Décision par sollicitation d’avis par Claude Aubry
- Cartographie des risques IA – exemple de représentation partagée pour éviter la centralisation des décisions.
- Cadres de décision responsable – garder un regard humain sur les arbitrages accélérés par l’IA.