Liquid Democracy – déléguer sa voix sans renoncer à décider

Qu’est-ce que la Liquid Democracy ?

Selon la définition synthétisée sur Wikipédia, la démocratie liquide (liquid democracy) combine les modèles représentatif et direct. Chaque membre peut voter directement sur un sujet ou déléguer ponctuellement son vote à une personne jugée plus experte ou disponible. La délégation est révocable à tout moment et peut être spécialisée par domaine (sécurité, budget, produit, etc.). L’image de « liquidité » décrit cette circulation libre des mandats.

Pourquoi s’y intéresser en équipe ?

Trois tensions reviennent souvent dans les équipes produit ou de transformation :

  1. Engorgement décisionnel : tout le monde doit être consulté, ce qui ralentit l’action.
  2. Représentation imparfaite : quelques personnes monopolisent la parole.
  3. Besoin d’expertise contextualisée : certaines décisions nécessitent un jugement informé.

La démocratie liquide répond à ces tensions en rendant explicite la confiance que l’on place, sujet par sujet, dans un pair. On conserve donc la souveraineté individuelle tout en fluidifiant la prise de décision.

Comment l’implémenter concrètement ?

1. Clarifier les domaines

Listez les espaces de décision (vision produit, budget d’équipe, choix techniques, organisation interne…). Ce cadrage évite que des délégations trop larges deviennent opaques.

2. Choisir un support

  • Tableau partagé (Notion, Miro, board physique) pour tracer qui délègue à qui et sur quel périmètre.
  • Outil dédié (Loomio, DemocracyOS, Decidim configuré) si vous souhaitez organiser des scrutins formels.
  • Sprint / Release / Program Incremant planning ou rituels ad hoc pour annoncer les délégations en début de cycle et les révoquer quand nécessaire.

3. Définir les règles de révocabilité

La délégation doit pouvoir être retirée immédiatement sans justification lourde. Un simple message ou une mise à jour du tableau suffit, ce qui encourage l’expérimentation sans verrou.

4. Ritualiser la transparence

Ajoutez dans vos rétrospectives un point « cartographie des délégations ». On vérifie qu’elles sont toujours pertinentes, que les personnes mandatées ne s’épuisent pas et que l’équipe se sent représentée.

Résultats et bénéfices attendus

  • Responsabilisation graduée : les personnes peuvent s’essayer au leadership sur un domaine limité avant de prendre des responsabilités plus larges.
  • Désengorgement des décisions : lorsqu’un sujet émerge, on sait déjà qui est mandaté, ce qui évite de « revalider » chaque fois l’autorité.
  • Traçabilité des choix : en retraçant les délégations, on peut expliquer plus facilement pourquoi telle option a été retenue.
  • Apprentissage collectif : les mandataires partagent leurs conclusions et forment le reste de l’équipe, ce qui diffuse l’expertise.

Limites et garde-fous

  • Effet boule de neige : une personne très légitime peut concentrer trop de mandats. Fixez une limite (ex. pas plus de trois délégations simultanées par individu).
  • Charge cognitive : suivre toutes les délégations peut devenir lourd. D’où l’importance de documenter simplement et de réinitialiser régulièrement (tous les trimestres, par exemple).
  • Culture de confiance nécessaire : sans feedback honnête, la révocabilité peut être taboue. Favorisez les discussions franches sur les attentes et les critères de réussite.

Mini-cadre d’usage pour vos ateliers

  1. Phase d’idéation : faites l’inventaire des décisions actuelles et notez qui se sent en capacité de porter chaque sujet.
  2. Vote à main levée : les membres confirment ou non qu’ils délèguent leur voix à la personne candidate.
  3. Suivi visuel : gardez la carte des délégations visible durant le sprint / trimestre.
  4. Restitution : les mandataires partagent les décisions prises avec leurs mandants directs pour conserver la boucle de feedback.

Autres références :

  • Source Wikipédia

  • Les cartes UNFIX proposent différents patterns de prise de décision. Une équipe pourra choisir parmi ces options, laquelle est la plus adaptée pour chaque type de décision - situation.

  • La série d’articles de Claude Aubry sur les décisions collectives


En combinant l’esprit d’expérimentation agile et la gouvernance partagée, la liquid democracy devient un outil souple pour répartir la charge décisionnelle dans une équipe. Elle ne remplace pas les responsabilités formelles, mais elle offre une mécanique légère pour explorer d’autres modes de décision.

Adaptez, essayez, appéciez et itérez.***